Pasteur Roger Foehrlé

Sœurs et frères en Jésus-Christ,
 

                En faisant référence à l’étymologie commune entre humilité et humus, le père de l’Eglise Dorothée de Gaza écrivait : « Le bâtisseur doit poser chaque pierre sur du mortier, car s’il mettait les pierres les unes sur les autres, elles se disjoindraient et la maison tomberait. Le mortier, c’est l’humilité, car il est fait avec la terre, que tous ont sous les pieds. Une vertu sans humilité n’est une vertu. »

                On demandait à un sage les trois principales vertus chrétiennes, il a répondu que la première était l’humilité, la deuxième l’humilité et la troisième l’humilité. Dans l’épitre aux Ephésiens, Paul écrit à propos de cette vertu : ne faites rien par ambition personnelle ni par vanité, avec humilité au contraire, estimez les autres supérieurs à vous-mêmes. La vraie humilité ne cherche pas à s’abaisser soi-même, mais à élever le prochain. Comme le dit la théologienne protestante France Quéré : La foi nous apporte ce que rien d’autre ne peut nous apporter : que l’autre n’est pas seulement image, qu’il est aussi mystère… J’ai devant moi un être matériel. Je pose sur lui le regard de la foi et j’ai devant moi un être spirituel. Il devient sacré, il devient mon maître car je n’ai plus rien à faire qu’à être infiniment responsable de lui.

                Abaissez-vous sous la main puissante de Dieu. Une première lecture laisse entendre que c’est Dieu qui abaisse. J’en préfère une autre : quand je suis abaissé et que j’ai le sentiment d’être humilié, je peux alors me réfugier sous la main puissante de Dieu. Et quand je suis à l’abri sous la main puissante de Dieu, je suis élevé. Je pense à tous ces étrangers, ces émigrés, ces petits qui fréquentent les églises. La société leur dit qu’ils ne sont pas les bienvenus dans nos pays, mais qu’ils peuvent rester s’ils font les métiers dont personne ne veut.  Mais quand ils viennent à l’église, ils sont élevés à la dignité de protégés de Dieu.

                Déchargez-vous sur lui de toutes vos inquiétudes car il prend soin de vous. Je suis invité à déposer mes inquiétudes, toutes mes inquiétudes, même les plus secrètes, aux pieds du Christ. Le seul risque que je prends est de ne plus les retrouver. Il faut de l’humilité pour se décharger de ses inquiétudes ; l’orgueilleux dit : je peux y arriver tout seul et il se pourrit la vie. Car il a oublié que Christ prend soin de nous.

                Se décharger de ses inquiétudes sur Christ n’est pas une opération automatique, il faut que je commence à me réfugier en lui, et pour cela il faut du temps, de la sobriété, de la veille. Oui, soyez sobres, veillez pour rester vigilants. Ces impératifs sont des appels à conserver une foi vivante, à lutter contre l’habitude, l’assoupissement et la dégradation de l’étonnement. Car votre adversaire : ce mot adversaire évoque le diable. Et le diable évoque ce qui divise. Oui, l’adversaire est ce qui me divise, ce qui vient mettre la séparation entre ma vie et ma foi, mes paroles et mes pensées, mes gestes et mon espérance. Cette puissance de division intérieure est comme un lion rugissant qui veut nous terroriser. Le combat contre l’orgueil et le souci de  domination est périlleux. Ce ne sont pas que des défauts, ce sont des bêtes dangereuses qui tous les jours guettent notre vie spirituelle, notre foi en Christ. Il faut pouvoir les dompter, les museler. Faut-il rappeler que la foi est un combat ?

                Parfois l’adversaire susurre à l’oreille : A quoi cela sert-il d’être fidèle à l’Evangile ? Fais comme tout le monde, mange, bois, profite de la vie, consomme, brille, cherche le pouvoir, sois le maître de tes valeurs, oublie tes engagements, ce qui est moderne aujourd’hui, c’est d’être mobile, adapté, d’être in, surtout de ne pas rater le dernier train de la mode, tu peux même essayer de le précéder.

                J’ai alors besoin d’entendre que je ne suis pas seul à mener le combat de la foi, j’appartiens à l’armée des résistants. Je pense à ceux qui mènent un combat autrement plus dur que le mien, à ceux qui souffrant dans leur chair pour leur foi, à ceux dont les lions sont plus menaçants et moins dompté que les miens.

                Mais Dieu rend fort et inébranlable, surtout quand on a souffert quelque peu. Oui, tout doit être vécu en Dieu et pour Dieu. Dieu n’est pas sans force. Ceux qui sont dans l’épreuve sont ceux qui ont le plus besoin d’entendre que Dieu est un Dieu fort même si sa force ne s’exprime pas dans les catégories de mon attente. Je ne crois pas en un Dieu impuissant, mais en Dieu alter-puissant, autrement puissant, dont la puissance est réelle mais différente, autre. Amen !