Jésus parle du prochain
Pasteur Roger Foehrlé

(Dans la parabole que nous venons de lire, Jésus parle du prochain !)
 

Mais dans cette parabole, le prochain n’est pas celui du moins comme les gens le comprennent ; Le Christ dit : Le prochain n’est pas celui que vous ramassez, mais c’est vous le prochain qui lui fait du bien.  Je dirai, dans ce monde, chaque personne cherche son prochain. Ce n’est pas du tout l’ancienne façon de penser, parce que le Christ renverse la Parole, et à la fin, il dit la chose suivante effectivement : « Lequel des deux est le prochain ? Et le Christ répond : C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, c’est lui le prochain ». Durant des années et des siècles, on a toujours traduit cette phrase un peu à l’envers, enfin pas traduit, mais du moins on l’a mal interprétée en disant : le prochain, quand je sors, ben, mon prochain, c’est mon prochain.

Mais le Christ, excusez-moi, mais ce n’est pas du tout cela. Par contre, le clochard cherche un prochain qui va l’aider, et c’est nous. Voyez-vous, il faut inverser la Parabole ici, et c’est très important : au fond, les gens, le monde, les non chrétiens et les chrétiens nous demandent de nous quelque chose. Nous sommes le prochain, c’est-à-dire celui qui d’après la parabole, pourrait amener du bien, matériel ou pas matériel, pour amener un mieux-être. C’est cela l’essentiel de la Parabole. Il est dommage que l’on en a toujours pris le sens à l’envers, car de cette façon, elle est beaucoup moins forte. Dans ce sens,  bien sûr, tous les gens qui sur cette terre vivent, mangent mal, que ce soit en Afrique, en Asie ou en Europe, sont des prochains, c’est évident.

Mais Savoir que quand je rencontre un malade, un clochard, je l’ai déjà dit, une personne qui est spirituellement délabrée, qui ne croit plus en rien , ou bien une personne qui est en plein divorce qui se passe mal, on se tape dessus, on ne sait pas comment s’en sortir, et savoir que cette personne-là c’est mon prochain, c’est bien joli, mais (c’est savoir) qu’elle Attend quelque chose de moi. Être un prochain, c’est devenir responsable. C’est ce que le Christ veut nous dire.
 

Chaque fois que Jésus rencontre justement  un cas miséreux ou misérable, que fait-il ?  il réagit, il essaie de trouver éventuellement une  solution qui, est pour ce monsieur, cette dame qu’il rencontre, quelque chose de nouveau,  quelque chose qui reste stable, ce qui fait que la parabole prend un autre sens, surtout que souvent on oublie dans quel contexte elle a été dite.

Les premières paroles que vous avez écoutées sont les suivantes : c’est le jeune homme qui pose la question : « Maître, que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ? » Il s’agit de cela dans cette parabole, et pas d’autre chose. Alors, c’est quoi pour vous, c’est quoi pour moi, et  c’est quoi pour le Christ, la vie éternelle ? Si je passais un papier à chacun, en posant la question, je crois que j’aurai au moins 30 réponses différentes, oui, nous sommes 30.

9 cas sur 10, la vie éternelle c’est « après ». Je suis destiné à vivre sur terre, avec l’amour de Dieu bien sûr, et je vivrai 50 ans, 80, 95, 32 s’il y a un accident, et après commence la vie éternelle. …..
 

Et Jésus régulièrement nous sort de cette fausse idée. La vie éternelle est arrivée, là où le Messie est arrivé la vie éternelle commence. Dans plusieurs passages de la Bible, c’est étonnant, le Royaume, c’est aujourd’hui qu’il se concrétise. Nous sommes aujourd’hui le 15 septembre, le Royaume de Dieu est éternel dès aujourd’hui. Il  a commencé le  jour où vos parents ou vous-mêmes, vous avez reçu le baptême. Et ce n’est pas une vie pour le futur c’est une vie pour aujourd’hui. Et c’est pour cela que la Parabole d’ici est une Parabole qui s’applique à l’immédiat.

Bon ! Dans le contexte juif, résumons-nous quand-même, à l’époque de Jésus, il y avait des gens qui croyaient à la résurrection, d’autres qui croyaient en la vie éternelle, dans un « Shéol », le shéol étant cet endroit où l’on ne souffre plus. Il n’est pas question de vision divine de voir quelqu’un qu’on appelle Dieu, qu’on adore, non,  le shéol est ce que tout le monde espérait, on continue à vivre, une « après vie », mais sans aucun problème et en paix. Nous chrétiens avons ajouté, et cela dès les premiers siècles,  que notre vie éternelle consisterait à entrer en Dieu, nous entrerions en Dieu,  et nous serions avec lui en parfaite harmonie, dans un parfait bonheur. Cela a été ajouté, bien sûr, à cause des paroles du Christ.

 Mais cette vie éternelle commence ici-bas et cette parabole très importante nous dit la chose suivante, c’est que il n’y a que l’amour que Dieu nous donne qui peut effectivement nous faire vivre dans cette vie éternelle. Chaque fois que vous-mêmes, vous faites un geste de bienfaisance, léger ou grand, ou un sourire donné à quelqu’un, vous faites un acte de vie éternelle et vous y êtes.
 

La vie éternelle c’est la vie qui n’a pas de fin.  Il n’y a que Dieu qui peut nous la donner, et il nous la donne dès le départ, et je crois que malheureusement, durant des siècles aussi,  les Eglises, surtout les Eglises Protestantes du XVIIIème siècle, il fallait préparer la mort. A tel point qu’on avait oublié le terrestre, on n’aidait personne, il fallait acquérir des indulgences pour les catholiques, accomplir un tas de choses pour nous permettre d’ avoir une bonne « banque » et après avoir la vie éternelle. Et tout le monde a oublié, que Jésus n’a jamais parlé de la vie éternelle, sauf de temps en temps, en disant, ceux qui vivent dans ma vie auront la vie éternelle. Mais il ne la détaille pas !  Sa vie éternelle à lui consiste justement à avoir les yeux ouverts, comme je l’ai dit dimanche dernier, les yeux ouverts sur tout ce qui se passe autour de moi.  La vie éternelle pour moi, chrétien, consiste à changer ce monde.  Le mot est grossier ou gros : moi, petit bonhomme que je suis, changer ce monde !!! Ce n’est pas là le problème ! Le problème, c’est ce qui nous entoure, le monde, c’est votre époux-se, votre famille, vos enfants, C’est vos voisins, vos compagnons de travail, c’est les gens de l’église, c’est tout le monde, c’est cela votre monde. Et notre but c’est que justement, nous devons et nous pouvons changer ce monde.

Et en changeant ce monde, nous vivons déjà notre vie éternelle.
 

Les théologies modernes américaines dont je vous parlerai un jour, ont trouvé une très belle phrase que j’aime beaucoup. Ils disent : « c’est en changeant ce monde que je prépare mon ciel. » Ce n’est pas en me retirant, priant « Seigneur, seigneur » (on ne peut pas critiquer les gens qui vont dans les couvents, il y a des vocations spéciales chez des personnes qui aiment bien se retirer , oui bien sûr, oui, mais Luther l’avait compris tout de suite, mais ce n’est pas en se retirant de ce monde, en devenant moine ou moniale que je préparerai mieux mon ciel, ni en me flagellant – les contemporains de Luther  le faisaient-, tout cela pour avoir la vie éternelle - , ni en souffrant encore davantage que j’aurai la vie éternelle,- j’accepte, Seigneur, le cancer que tu m’as donné, -comme si le Seigneur donnait un cancer- ce genre de prière- je prends la souffrance que tu m’as donnée, je veux subir, et avec tout cela je m’approcherai de la vie éternelle.

Mais c’est faux tout cela !!Nous ne sommes pas là pour souffrir, nous sommes là pour aimer. Et le Christ veut notre bonheur avant tout. Seulement en aimant il faut aussi aimer les autres, c’est cela.
 

L’amour, vous le savez, a un triple volet qui ressort de nos textes :

L’amour de Dieu pour nous évidemment, qui est la racine qui nous fait agir, on ne peut rien faire sans lui.

Et il y a l’amour de nous pour les autres quand nous devenons « samaritain », où nous sommes prêts avec ce que nous avons, le peu que nous avons,  nous sommes prêts à le donner, même si cela nous coûte  du temps, de l’argent peut-être, du temps surtout (et puis, une fois, aller à l’hôpital, voir cette vieille personne qui est malade, alors que j’ai un bon film à la télévision, j’hésite ; ben non, on n’hésite pas, on va voir la vieille dame qui est malade, tant pis pour mon bon film, je le verrai une autre fois. C’est cela la vie éternelle, c’est savoir prendre son temps, prendre sur soi, même si cela fait mal, et il faut continuer tous les jours, on n’y arrive pas toujours; moi aussi je ne suis pas un saint non plus, et il y a des moments où je dois choisir aussi, un film à la place d’autre chose éventuellement. )

Et la troisième partie qu’on oublie souvent : Dieu nous aime, nous aimons les autres, mais est-ce que vous vous aimez vous-mêmes ?    Au sens réel.  Aujourd’hui, -on ne va pas faire d’analyse psychanalytique ou de psychologie- un psychanalyste vous dira : pourquoi y a-t-il des dépressions ? Parce que les personnes ne s’aiment pas elles-mêmes, elles ne peuvent  pas supporter ce qu’elles ont fait dans le passé, elles n’arrivent pas à se pardonner. Cela paraît délicat, mais pourtant c’est important, parce que se pardonner veut dire peut-être : c’est vrai, j’ai fait une bêtise. Le pardon commence par l’aveu. Si moi je veux être en paix avec moi-même, je ne le serai jamais si je ne veux pas reconnaître qu’à telle date, à tel jour, avec telle personne,  j’ai fait une grosse bêtise, et qui me reste accrochée,  je n’arrive pas à m’en défaire. Pourquoi pas ? Parce que effectivement, on ne se le pardonne pas, d’ailleurs le langage courant le dit bien : « cela, je ne me le pardonnerai jamais » ! J’ai fait une bêtise, je ne me le pardonne pas ! Eh bien si, c’est la troisième phase de l’amour. Parce que si vous ne vous pardonnez pas vous-même, vous ne pouvez pas aimer. Il est impossible d’aimer quelqu’un si vous vous en voulez. Parce que si vous ne vous aimez plus, vous devenez acariâtre, vous devenez méchant, agressif, parce que quelque chose ne va pas. Pendant trois ans, j’étais aumônier d’un hôpital psychiatrique à Strasbourg. Dans le pavillon des dépressifs, il est quand-même étonnant de voir, ce que le médecin-chef m’a dit, que 80% des gens qui étaient à l’époque dans ce pavillon étaient des dépressifs religieux, dans le sens que c’est la religion mal comprise, mal utilisée, qui les rendaient ainsi. Par exemple, le classique « je ne vais plus à l’église, donc je suis condamné ». Cela paraît idiot, mais les gens disent cela, et le croient. Et du coup, on ne va quand-même pas à l’église, du coup on s’enfonce soi-même, on  se fait davantage de reproches et on tombe dans la déprime. Alors, frères et sœurs, le pardon à soi-même fait partie intégrante, si vous avez en vous une misère qui traîne, mettez-la à jour, mais pas avec quelqu’un d’autre, mais avec vous-même. Il est vrai que ce qui m’annihile aujourd’hui c’est ma faute, c’est moi qui ai fait une bêtise, Seigneur, pardonne-moi. Se pardonner à soi-même, c’est être franc, c’est être humble, savoir que nous sommes des êtres humains qui avançons comme nous le faisons avec l’aide de Dieu, et qui sommes loin d’être parfaits. Alors frères et sœurs, du coup, vous deviendrez capables, vous aussi et moi aussi, d’être plus aimants avec ceux qui nous entourent. Et on comprendra mieux la misère humaine chez le voisin quand j’aurai compris la mienne. Si je me reproche un mauvais divorce avec tout ce qui s’est passé comme bêtises et comme méchancetés, dans quoi je suis en partie responsable,  eh bien je condamnerai plus le voisin qui est dans le même cas, au contraire, j’essayerai de l’aider, parce que je suis aussi passé par là et que je sais ce que c’est.

Alors, n’oubliez pas ce triptyque, frères et sœurs, n’oubliez pas ce triptyque, Dieu nous aime, nous aimons nos frères  et nous pouvons à nouveau nous aimer nous-mêmes, être un homme devant Dieu,  une femme devant Dieu, avec ses défauts,  avec ses qualités et qui essaye de changer ce monde, parce que le monde attend de moi quelque chose, et  pour le monde :

 
Être chrétien veut dire être samaritain. Amen